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Réponse à l'article de Victoria Donovan dans "Café Babel"
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"...Et si des propositions portant sur une « langue programmée
», comme l'Esperanto, qui apporterait un territoire
linguistique neutre au débat, ont aussi gagné
de l'importance, elles semblent également improbables
: cela conduirait inévitablement à ce
que les hommes politiques parlent une langue différente
de celle de leur électorat, manquement grave
à la démocratie." Victoria Donovan confond les situations, et cela l'amène à une conclusion erronée. La relation politicien-politicien et la relation politicien-électorat sont très différentes. Que les hommes politiques, discutant entre eux, parlent une autre langue que celle de leur électorat, cela n'a aucune importance s'ils s'entretiennent sur un pied d'égalité. Or, l'égalité n'est pas respectée si ceux dont la langue maternelle n'est pas l'anglais sont acculés à utiliser cette langue dans les échanges avec leurs collègues anglophones. La démocratie en prend alors un sacré coup. S'exprimer dans une langue étrangère est du même ordre que, pour un droitier, être contraint d'utiliser sa main gauche. On est gauche, on cherche ses mots, on a un accent qui peut être ressenti comme ridicule, on laisse tomber bien des nuances, on a un vocabulaire restreint : la liberté d'expression est en fait réduite, même si l'intéressé ne s'en rend pas pleinement compte. Le Parlement européen a d'ailleurs souligné cette infériorité dans son rapport sur l'utilisation des langues : «Quiconque s'est donné la peine d'apprendre une langue étrangère sait que le vrai multilinguisme est une chose rare. En règle générale, la langue maternelle est la seule dont on maîtrise toutes les nuances. Nul doute que l'on est politiquement plus fort lorsqu'on parle sa propre langue. S'exprimer dans sa propre langue confère un avantage sur celui qui doit, de gré ou de force, utiliser une autre langue.» (Parlement européen, « Rapport sur le droit à l'utilisation de sa propre langue », 22 mars 1994, p.10.) Pour des raisons qui relèvent de la neuropsychologie (voir Claude Piron, "Le défi des langues", L'Harmattan, 2e éd. 2001, chapitres 6 et 7), l'espéranto est la seule langue étrangère qui procure une aisance égale à celle que l'on a dans sa langue maternelle. Or, à âge égal et à nombre égal d'heures hebdomadaires, six mois d'espéranto confèrent une capacité de communication qui n'est atteinte en anglais qu'au bout de six ans. Il suffit de comparer dans la pratique quelques séances internationales, les unes tenues en anglais, les autres en espéranto, pour que saute aux yeux la supériorité de ces dernières, quel que soit le critère adopté : spontanéité, égalité entre participants, précision, richesse d'expression, humour, etc. Ce système est indéniablement le plus démocratique : l'effort d'apprendre la langue n'est épargné à personne du fait de sa naissance, mais il est d'une durée très raisonnable et à peu près égale pour tous. Par ailleurs, si l'espéranto est adopté entre politiciens, cela signifiera que sa valeur a été reconnue par les États. Cette reconnaissance officielle encouragera les simples citoyens à apprendre la langue, ce qui se fait très vite lorsqu'on est motivé. L'argument de Victoria Donovan selon lequel les politiciens parleraient une langue incompréhensible à leur électorat disparaîtrait dès lors automatiquement. En outre, il serait sage de placer les considérations qui précèdent sous l'éclairage des données qu'ont livrées les recherches de l'économiste François Grin sur les diverses options de la politique linguistique, et de méditer notamment les deux faits suivants : 1) le gain que le Royaume-Uni tire de la domination
actuelle de l'anglais s'élève à
17 milliards d'euros par an, Peut-il y avoir le moindre doute, compte tenu de tous ces faits, sur la nature de la formule la plus démocratique ? CP
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