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Traduire Les Chansons Traditionnelles: Defis Et Ideologies



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Certains peuples d’Afrique colonisés par l’Europe impérialiste ont été accusés par les penseurs, qui ont porte main forte à cette entreprise ignominieuse de spoliation et d’humiliation fallacieusement appelée la mission civilisatrice, comme des peuples sans cultures, sans raison. Le soi-disant manque de raison parmi les Noirs d’Afrique, aussi colonisé par l’Europe a poussé un Africain, non des moindres à alléguer que « l’émotion est nègre ».

A y voir de près, chose que les spécialistes du mensonge et du travestissement ont manqué de faire, les peuples que l’on accuse de barbarie et de sauvagerie avaient et préservent aujourd’hui un bon nombre d’éléments culturels qui démontrent que leur mode de vie et de pensée quand bien même différent de celui de l’Europe ne pouvait les positionner comme des sauvages. Au contraire, leur pratique sociale (interactions, organisations sociale et politique, et mode de viabilisation de ces interactions et organisations) prouvent qu’ils sont comme toute autre groupe social avec ses différences et/ou ses particularités. La pratique sociale des peuples d’Afrique se pense, se matérialise et s’immortalise à travers la mémoire, une mémoire aussi fiable qu’elle porte des siècles d’histoire et de grandeur. Cette mémoire en Afrique de l’ouest, par exemple, est le fait des griots, ces hommes et femmes de castes inférieures qui font office de généalogistes, d’historien(ne)s et de moralistes non seulement au service des hommes et femmes du présent, mais aussi au service de la génération future. Les griots sont ceux qui capturent les grandeurs et prouesses du passé pour qu’elles servent de repères aux gens du présent qui doivent émuler ceux du passé. C’est en cela que les chansons et gestes jouent un rôle essentiel dans la vie des mandingues d’hier et d’aujourd’hui. Ce sont de ces chansons que nous traitons ici. 

Les chansons traditionnelles et hymnes dont nous traitons ont été l’objet d’une récupération politicienne et idéologique dans les années 60 et 70, années des indépendances et des nationalismes en Afrique. Aboubacar Demba Camara et bien d’autres acteurs culturels (écrivains, dramaturges et poètes) de cette époque savaient que la culture qui a été la raison de l’invasion européenne de l’Afrique, pouvait servir de moyen pour retourner les tablettes de lois : ré-représenter l’Afrique, démentir ou démonter les thèses racistes qui ont inspiré, et servi de soubassement pour, le colonialisme, et réinventer cette même Afrique qui a été défigurée. Les écrits et actes d’Amilcar Cabral en témoignent très clairement. 1 Comment ces chansons ont-elles contribue ou toujours contribuent-elles à cet ouvrage de déboulonnement et de libération ? Pour en savoir plus, il faut présenter les textes « oraux » en langues nationales africaines, montrer comment ces textes ont été traduits, et enfin révéler l’idéologie qui se profile derrière, non seulement ces textes dans leur version originale, mais aussi dans leur traduction en langue européenne écrite comme le français et l’anglais.

L’hymne du Wassoulou était chanté pour encourager les guerriers mandingues à défendre la patrie de leurs pères des attaques venant de l’extérieur et aussi contre les velléités d’annexion des autres royaumes. Cette hymne a un relent de ce que le mandingue appelle l’ «Air du Vautour », cette autre chanson que les griots du temps de Soundiata l’Empereur du Mali (Mandingue) et ses guerriers se faisaient chanter pour vaincre la peur, et qui leur a permis de vaincre l’arch-ennemi de leur peuple, Soumangourou Kanté. La chanson va comme suit en Malinké :

« Den-den-ya te kuma-la.
Den-den-ya te kuma-la,
Den-den-ya te jaama-da kuma-la,
Fama ye kele faadeng-yee.
Ni ite na se kuma la,
Ni ite na se kuma la,
Ni ite na se jaama-da kuma-la,
Jaama-da kuma dee jeliliw-ma,
Oluyew-ke feng yeeni nang di.
Ni ite na se kee mina la,
Ni ite na se kee mina la,
Ni ite na se mogo-jugu kee mina la,
Kee mina-julu di muso-lu ma,
Olu ye oke feng sili feng di ».

Bien conscient des défis de la traduction comme je l’évoquais tantôt, étant Malinké moi-même, j’essaie de traduire la chanson en français. En français, voilà ce que le texte peut donner comme sens:

« La parole n’admet point de détour!
La parole n’admet point de détour!
La parole en public n’admet point de détour,
Fama est en effet un vrai guerrier.
Si tu ne peux parler,
Si tu ne peux parler en public,
Donne la parole aux griot(e)s,
Ils (elles) l’utiliseront pour subsister.
Si tu ne peux vaincre l’ennemi,
Si tu ne peux vaincre l’ennemi,
Donne la corde avec laquelle l’on ligote l’ennemi aux femmes,
Elles l’utiliseront pour n‘importe quelle fin.»

Cependant, la traduction du jazziste guinéen, Demba Camara, nous offre une autre dimension sémantique que le mandingue ne pourrait aussi facilement imaginer. Camara fait une traduction qui embrasse la tonalité politique de son temps : la révolution guinéenne qui s’attaquait à la France (ex-)colonialiste (et par ricochet tout le monde impérialiste) qui digérait mal le NON brave et légendaire à De Gaulle du plus tard sinistre dictateur guinéen, Sékou Touré. Le chant est déterritorialisé ou délocalisé de son aire habituelle, qui est le domaine populaire, pour être resémantisé. Demba Camara traduit ce texte mandingue comme suit :

« Si tu ne peux organiser, diriger et défendre le pays de tes pères,
Fais appels aux hommes plus valeureux!
Si tu ne peux dire la vérité en tout lieu et en tout temps,
Fais appel aux hommes plus courageux!
Si tu ne peux être impartial,
Cède le trône aux hommes justes!
Si tu ne peux protéger le peuple et braver l’ennemi,
Donne ton sabre de guerre aux femmes qui t’indiqueront le chemin de l’honneur!
Ô Fama!
Le peuple te fait confiance!
Il te fait confiance parce que tu incarnes ses vertus ».

L’on ne peut être surpris de voir que le besoin de rendre le texte plus lisible pour ceux qui ne sont pas mandingues en adaptant le texte par jeu de correspondance, a emmené le traducteur à faire des ajouts qu’il a crus nécessaires pour rendre « son » texte accessible. Le texte n’en demeure pas moins une sur-traduction. Il en est ainsi parce que la traduction de Camara répond à une exigence politique et idéologique qui se traduit dans les écrits de nationalistes culturels africains, mais aussi dans une notion plus engagée de la littérature et la culture. Jose Marti, par exemple, nous disait que : 

« Les expressions de la culture doivent être au service du peuple et des causes justes. Elles devront participer à ses luttes et à ses aspirations, poser ses problèmes et n’adopter jamais une fausse et commode attitude lointaine d’expectative. La culture détachée de la problématique sociale de son temps sera toujours un froid produit alambiquée, dépourvu de force, d’intérêt et de permanence.»2

Aussi, pour Marti, il en est de même pour toutes les autres expressions culturelles. Ainsi donc, « la littérature - comme expression qu’elle est de la culture d’une époque et d’un lieu - doit être au service de la liberté et de l’homme. Elle doit refléter les caractères et la problématique du peuple qui l’inspire et auquel elle s’adresse si elle veut réellement être saine et intéresser, luttant unie à son peuple en ses entrailles mêmes, pour le triomphe de la vérité et de la justice.» 3 Ou  bien Marti nous enseigne que la « littérature véritable consiste en l’observation des types et des faits originaux et en l’expression fidele et intime de ce que voit l’auteur en lui, et hors de lui. »4

La même perspective sur la culture en tant qu’instrument d’engagement (politique et idéologique) est entonnée par Sékou Touré, président de la Guinée révolutionnaire. Le président Touré a impulsé l’usage de la culture en tant que moyen de lutte. Il n’a pas manqué de rappeler l’importance du rôle de l’écrivain ou de l’artiste dans la société. 5

Il est vrai que la traduction en question ici est prisonnière d’une idéologie révolutionnaire qui lui enlève le sceau de la fidélité. Cependant il faut dire que cette traduction, si elle n’était traduite avec des ajouts, ne donnerait pas une aussi grande réception aux sonorités de Camara. Le sens participatif du combat serait émoussé car les autres peuples africains solidaires du combat de libération ne comprendraient rien du message chante. Si le problème de compréhension demeure toujours parce que tout africain ne parle pas français, toujours est-il que les commentaires qui ont été faits ont permis de mieux expliquer le combat révolutionnaire guinéen.

Il est clair ici que le besoin idéologique fait ombrage à la qualité originelle du texte « oral » si bien que le mandingue europhone ne tardera pas à mettre en doute la véracité de la traduction. Si la traduction de Camara est une sur-traduction, il faut dire que cela a le mérite de rehausser les objectifs combattants des mandingues, leur fierté culturelle et le devoir de dignité qui s’impose à toute personne issue de cette frange des peuples ouest-africains des savanes. De point de vue pratique, l’on n’aura pas tort de choisir cette démarche en traduction qui consiste à ajouter des sens afin de faciliter la compréhension des textes qui sont issus des langues africaines qui n’entretiennent pas de correspondance systématique avec les langues essentiellement scripturales d’Europe.  Cependant, il faudra noter que la traduction de textes «oraux » se doit d’être faite en prenant en compte l’originalité de ces textes. Fidélité en traduction oblige.

NOTES

1 Amilcar Cabral fait savoir son attachement à la notion de culture et d’histoire comme les moyens les plus surs pour subvertir et combattre le colonialisme et l’impérialisme, et leurs nouvelles configurations

2 Jose Marti fait une correspondance épistolaire avec Jose Joachim Palma (Guatemala, 1878, vol. 1, tome 1, p. 376). Cette citation est reprise par Ray Autra, Préface de Sikasso ou la dernière citadelle suivi de Chaka, Honfleur : Pierre Jean Oswald, 1970 : 5-23. Voir p. 10.

3 Voir toujours Jose Marti. La Pampa, Jugement critique, vol. I, tome I, p.743, ou il est cite par Ray Autra dans la préface de Sikasso ou la dernière citadelle suivi de Chaka.

4 Ibid. Ray Autra citant Jose Marti dans Sikasso ou la dernière citadelle suivi de Chaka.

5 Il disait au deuxième Congrès des Ecrivains et Artistes Noirs à Rome en 1959 dans une communication intitulée « Le leader considéré comme le représentant d’une culture » que « Il ne suffit pas d’écrire un chant révolutionnaire pour participer a la révolution africaine, il faut faire cette révolution avec le peuple. Avec le peuple et les chants viendront seuls et d’eux-mêmes.

Pour avoir une action authentique, il faut être soi-même une part vive de l’Afrique et de sa pensée, un élément de cette énergie populaire toute entière mobilisée pour la libération, le progrès et le bonheur de l’Afrique. Il n’y a aucune place en dehors de ce seul combat ni pour l’artiste, ni pour l’intellectuel qui n’est pas lui-même engage et totalement mobilise avec le peuple dans le grand combat de l’Afrique et de l’humanité souffrante.» Sékou Touré est cité par Frantz Fanon dans Les damnés de la terre, Editions La Découverte, 1987, p. 151.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUE ET DISCOGRAPHIQUE

Fanon, Frantz Les damnés de la terre, Paris : Editions La Découverte, 1987.

Niane, Djibril Tamsir. Sikasso ou la dernière citadelle suivi de Chaka, Honfleur : Pierre Jean Oswald, 1970.

Camara, Aboubacar Demba. Regard sur le passé, 1973.

 











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